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lundi 3 décembre 2012

Les yeux - Sully-Prudhomme


Les yeux
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, 
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ; 
Ils dorment au fond des tombeaux, 
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours, 
Ont enchanté des yeux sans nombre ; 
Les étoiles brillent toujours, 
Et les yeux se sont remplis d'ombre.
Oh ! qu'ils aient perdu le regard, 
Non, non, cela n'est pas possible 
Ils se sont tournés quelque part, 
Vers ce qu'on nomme l'invisible.
Et comme les astres penchants 
Nous quittent, mais au ciel demeurent, 
Les prunelles ont leurs couchants, 
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, 
Ouverts à quelque immense aurore, 
De l'autre côté des tombeaux 
Les yeux qu'on ferme voient encore.

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